Le mini-sondage

RÉPONSES DE CHERCHEURS À LA QUESTION  

Selon vous que signifie le terme « normativité » ?  - PDF

 

Un grand merci à tous ces chercheurs en sciences sociales et humaines d'avoir joué le jeu de répondre « à chaud » et de manière concise à cette question.

 

 RÉPONSES DE JURISTES

« La normalité ou la régularité sont des concepts aux contours nets et précis : on peut les définir comme la conformité à la norme ou à la règle. Au contraire, la normativité (qui n’a pas de pendant dans la lignée de la règle) est un concept plus flou et en même temps plus ambigu, ainsi qu’il ressort de la définition qu’en donne le Grand Robert de la Langue Française : "caractère de ce qui est normatif, de ce qui tend à constituer une norme", - "normatif" signifiant selon la même source "qui constitue une norme, est relatif à la norme". Ces formules manquent singulièrement de clarté. Elles veulent exprimer que la normativité est soit ce qui fait qu’une chose est norme, les traits typiques par quoi elle se donne à notre conscience comme étant une norme, soit ce qui concerne des normes, a rapport avec des normes : on parle, en ce dernier sens  de  "science normative"  ou   de  "logique normative",  ou   encore  de  "proposition ou énoncé normatif", spécialement par opposition à "proposition ou énoncé descriptif".

Mais surtout le terme " normativité " me paraît dangereux en ce qu’il peut laisser croire, par analogie avec des termes tels que par exemple "luminosité", à une graduation du normatif : comme si le normatif était une propriété intensive, se donnant à des degrés différents, une sorte de "force" d’intensité variable, à l’instar de l’intensité lumineuse des objets. Cette illusion suscitée ou encouragée par une terminologie mal assurée doit être dissipée : le normatif n’est pas susceptible de plus et de moins ; un contenu de pensée est norme -a reçu la vocation instrumentale à servir d’indicateur du possible- ou n’est pas norme. Peu importe que ce contenu de pensée soit plus ou moins apte à remplir la fonction qui lui a été assignée, qu’il soit plus ou moins propre à rendre les services auxquels on l’a destiné, en bref que la norme ainsi constituée soit plus ou moins bien praticable, dotée d’une plus ou moins grande valeur pragmatique. De même, on ne saurait soutenir que les commandements et les recommandations correspondent à des "forces" ou colorations normatives d’intensité différente, les commandements étant davantage "normatifs" que les recommandations. Il s’agit, plus exactement, de deux variétés de normes de conduite ou indicateurs du possible de l’agir humain, de deux variétés de normes à part entière, les unes conçues comme étant à respecter impérativement, les autres comme étant à tâcher de respecter : l’essence même du normatif n’est pas en cause dans cette distinction; ce sont les spécifications relatives au mode d’utilisation de la norme qui diffèrent en l’occurrence. Mais il y a sur ce point une confusion très répandue qui résulte de la caractérisation elliptique -pour ne pas dire impressionniste - de la fonction d’étalon des normes par l’idée de sollen ou devoir-être : si l’on ne procède pas aux approfondissements et analyses nuancées qu’elle appelle, cette caractérisation incite à assimiler purement et simplement "normatif" à "obligatoire" ou "contraignant" ; la  normativité devient bien par là une propriété intensive ».

Paul AMSELEK, université Paris II

 

« Pour moi, le terme "normativité" tend à désigner ce qui caractérise une règle ou un comportement, juridiquement ou socialement contraignant ».

Cécile BARGUES, université d'Orléans

 

« À propos du terme "normativité", il me semble renvoyer à l'idée de règles prescriptives, mais il ne se résume pas aux dispositifs impliquant une contrainte, puisque se développent de plus en plus des hypothèses de normes souples. Ainsi la frontière entre des dispositions normatives et d'autres, qui le ne sont pas, semble poreuse ».

Pierre BELDA, université d'Orléans

 

« Le caractère de ce qui énonce une règle de droit ou en est porteur en en revêtant  les attributs, quelle qu'en soit la source ».

Jean-Louis BERGEL, université d'Aix-Marseille

 

« Caractère de ce qui est impératif, de ce qui relève de la règle, de ce qui fixe un objectif, un sens, qui laisse, le cas échéant, une marge d'appréciation mais qui établit in fine une ligne de conduite juridique et sociale ».

Baptiste BONNET, université de Saint-Etienne

 

« La normativité désigne à la fois le phénomène normatif dans son ensemble (le monde des normes) et la qualité attribuée à une norme (l'état de normativité). C'est donc un terme qui est à la fois englobant (l'ensemble des normes) et singulier (la qualité d'une norme) ».

Mathilde BOUTONNET, université d'Aix-Marseille

 

« Propriété d'un énoncé à influer sur les comportements en suscitant un sentiment de contrainte ou d'adhésion ».

Philippe BRUN, université de Savoie

 

 « La normativité est la capacité d'un objet à servir de référence pour le jugement humain ».

François BRUNET, université Paris-Est

 

 

« Le mot "normativité" désigne selon moi une qualité, qui caractérise le potentiel d'orientation vers un certain modèle. A mon avis, le terme de normativité en lui-même n'est guère plus précis, tant il est employé au-delà dans des sens différents. Comme souvent en droit, c'est alors le contexte dans lequel il est employé qui permet de comprendre le sens plus précis que l'on entend lui donner (en renvoyant à sa validité formelle ; en désignant toutes formes de normes ou seulement les normes générales ou obligatoires ; en voulant signifier une certaine juridicité ou au contraire élargir l'orientation à tous les systèmes normatifs etc) ».

Pascale DEUMIER, université de Lyon III

 

« La normativité s'entend du caractère normatif d'un énoncé ou d'un comportement, c'est-à-dire de l'aptitude de celui-ci à produire des effets de droit, que ce soit par référence directe ou en tant que modèle. Pour cette raison, la normativité est susceptible d'être d'intensité variable ».    

                                                                       Frédéric DOURNAUX, université d'Orléans

 

« 1. La normativité, c'est un mystère à la poursuite duquel je voue ma carrière de chercheur. Pour un pragmatique, la définition est ce qui arrive à la fin.

 

2. Si je me fais violence pour répondre de manière prématurée, je dirais provisoirement que la normativité est la propriété de ce qui peut orienter les comportements  ».

                        Benoît FRYDMAN, université libre de Bruxelles (ULB)

 

« La "normativité" est une notion qui sert à se prononcer sur le degré d'influence potentielle ou réelle d'un instrument sur le comportement des acteurs inscrits dans le champ dans lequel se déploie l'instrument. Ainsi si l'on parle de normativité juridique, ce sera le degré d'influence dans le champ juridique sur les acteurs de ce champ ».

Stéphane GERRY-VERNIÈRES, université Paris II

 

« Qualité de ce qui, eu égard au crédit qui lui est porté, constitue une référence pour l'évaluation d'actions ou situations ».

Cédric GROULIER, université Paris-Est

 

« La normativité désigne, pour moi, la propension d'un acte, juridique ou non, obligatoire ou pas, à fournir, avec des degrés de précision variables, un modèle de conduite à ses destinataires ».

Isabelle HACHEZ, université Saint-Louis - Bruxelles

  

« Aptitude d'une règle ou décision à encadrer ou orienter une situation ou un comportement ».

Patrice HOANG, université d'Orléans

 

« Pour moi, la normativité juridique est le fait (bizarre de dire que c'est un fait !) de créer des modèles d'action dans les rapports de droit soit par l'interaction des parties (usages, coutumes) soit par des organes supérieurs (loi, règlement, standard, jurisprudence), ce qui renvoie à la notion de rapport de droit que je pense logiquement antérieure à la norme ; la normativité tout court serait alors l'art de créer des modèles ou des idéaux d'action pour soi-même (morale), pour une organisation (norme managériale), pour une chose (norme technique). Je ne suis pas sûr de bien pouvoir distinguer la norme managériale (ISO etc.) ou une norme technique d'une norme juridique ». 


Emmanuel JEULAND, université Paris I

 

« La normativité, selon moi, ne doit pas être confondue avec le normativisme. Le normativisme est une conception des sources du droit. La normativité concerne l'objet d'une mesure qui peut être qualifiée de norme, selon son objet (au sens large : nature de l'objet : une chose, un travail ou une activité économique..., un droit subjectif, une déclaration d'engagement). La façon dont est rédigée la mesure/norme permet de déterminer sa finalité (prescription, interdiction, incitation, autorisation....) et in fine la valeur de la mesure/norme (juridique, politique, managériale...) ». 

Fleur LARONZE, université de Haute Alsace

« La normativité est la capacité d’un énoncé à orienter les conduites humaines. Classiquement, sont ainsi normatifs les énoncés impératifs qui sont contenus dans un acte appartenant à un ordre juridique sanctionné. Mais relèvent également de la normativité les énoncés qui recommandent un modèle de comportement à leurs destinataires. D’un côté, la conduite est imposée et le comportement déviant sera éventuellement sanctionné. D’un autre côté, la conduite est simplement guidée, et la normativité est alors extérieure à l’énoncé. La qualité et l’autorité de son auteur et l’adhésion de ses destinataires permettent d’assurer que ce modèle de comportement sera suivi d’effets ». 

Benjamin LAVERGNE, université de Tours

 

« La normativité se rattache à ce qui prescrit des comportements, en affirmant des valeurs de natures diverses  (managériales, techniques, morales, sociétales) ».

 

Gilles MARTIN, université de Nice

« La normativité est ce qui est susceptible de servir de norme au sens de guide, de direction, de repère... ».

 

Mustapha MEKKI, université Paris XIII

 

« Ordonner, permettre, interdire, imaginer, anticiper, créer ».

Jacqueline MORAND-DEVILLER, université de Paris I

 

« Rien. (..) pour moi il ne signifie rien. Après, nous pouvons échanger sur son usage, son rattachement et ses racines kelseniennes, la variété de ses acceptions dans la dogmatique juridique contemporaine, sa "labilité", son lien avec la juridicité, l'obligatoriété, la prescription, la règle de droit, etc. On peut aussi discuter de la pertinence d'une conception de la normativité en degrés, la question de ce qui la constitue, etc. Mais, pour moi, il ne signifie en soi "rien". Seuls ses usages sont instructifs, car ils viennent révéler une conception du droit (chez les "normativistes"), une quête de ce qu'est le droit (dans la recherche de ce qu'est la "norme"), une recherche d'idéal (dans le rattachement de la règle à la norme et le bannissement de la loi non normative) », etc ».  

Nicolas MOLFESSIS, université Paris II

 

« La normativité ? À chaud (je joue le jeu !) : il pourrait être de bonne méthode de chercher à la cerner à travers son/ses contraire(s). Et l'on songe alors au désordre, à l'absence ou au manque de cohérence, d'organisation, au dérèglement, à l'absence de critère auquel on puisse se référer pour formuler un jugement (au sens large) tant sur le plan individuel que social ».

Cécile PÉRÈS, université de Reims Champagne-Ardenne.

 

« Pour moi, la normativité, c'est avant tout le caractère de ce qui est plus ou moins obligatoire et contraignant, ce qui ne veut pas dire nécessairement sanctionné ».

 François PRIET, université d'Orléans

 

« La normativité est ce qui est destiné à orienter les comportements. C'est ce qui pose une règle de conduite. Cette règle peut être juridique ou non. Elle peut être obligatoire ou non. Elle peut être effective ou non ».

Jean-Baptiste RACINE, université de Nice

 

« Dans une premier sens (statique), la normativité désigne la qualité, la propriété de ce qui est normatif, c'est-à-dire de ce qui a une fonction - avérée ou potentielle - de modèle ou de guide. La normativité juridique est en ce sens la qualité des normes juridiques (tout comme la normativité technique est la qualité des normes techniques).

Dans un second sens (dynamique), la normativité désigne la capacité à faire norme.

Dans le premier cas, le terme normativité ne peut s'appliquer qu'à des normes, dans le second cas, il s'applique aussi à des pré-normes, des normes en gestation, en maturation, en développement, qui ne sont pas encore normes ».

Matthieu ROBINEAU, université d'Orléans

 

« La décomposition du mot en guise d'étymologie renvoie à la norme, terme à vocation générale et, dans la perspective retenue, lié au juridique, là où la norme et le normal entretiennent depuis la nuit des temps des relations naturellement incertaines et irréductiblement variables dans l'espace comme dans le temps. De ce fait, qui est consubstantiel à la norme juridique, s'induit une nécessaire action, c'est-à-dire une activité d'ajustement perpétuelle qui rejoint et complète un élan vital : la normativité ».

François TERRÉ, université Paris II

 

« Il me semble que le terme "normatif" est employé dans trois sens différents. Mais il s’agit parfois de l’adjectif et non du substantif

-       dans le langage courant, mais aussi dans le langage du normativisme kelsenien, normatif est ce qui est conforme à une norme. Selon Kelsen, en raison de la hiérarchie des normes, tous les actes juridiques sont à la fois normatifs (faits en application d’une norme) et normateurs (producteurs de normes), sauf l’acte le plus élevé (la constitution) qui est normateur, mais non normatif.

-       Dans le langage du Conseil constitutionnel, la normativité est un caractère de la loi,  à défaut duquel, elle est inconstitutionnelle : elle doit énoncer des normes (et non pas de simples souhaits, des proclamations ou des thèses historiques)

-       Dans le langage de la théorie du droit, la normativité est le caractère d’être une norme et non pas un fait, comme par exemple le résultat d’un simple rapport de force ou d’une contrainte sociale ou psychologique. C’est le fait d’appartenir à la sphère du Sollen et non à celle du Sein. Les normativistes reprochent aux réalistes de nier la normativité du droit ».

Michel TROPER, université Paris X

 

« Pour moi, normativité renvoie à tout dispositif qui organise et oriente les conduites humaines. J'ajoute que la division des domaines ordinaires de la normativité (morale, religion, économie, droit etc.) ne me convainc absolument pas, la vie ne se découpant pas en domaines autonomes ».

Mikhaïl XIFARAS, Sciences-po Paris

 

 RÉPONSES DE CHERCHEURS

D'AUTRES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES 

 

« Pour répondre à ta question sur la "normativité" je choisis l'entrée biologique / philosophique, celle que propose G. Canguilhem dont j'apprécie les réflexions. (...). Au sens de Canguilhem, la normativité est la capacité à produire ses propres normes, à les faire évoluer pour permettre le fonctionnement.

La vie est un fonctionnement instable, à équilibre précaire (succession d'étapes en bonne santé et de maladies) et la normativité permet le maintien de la vie dans un fonctionnement anormal (la maladie). C'est donc la capacité par exemple du malade à trouver un nouvel équilibre, qui devient "normal" au sens où il possède une nouvelle cohérence qui lui permet de vivre, de fonctionner malgré la maladie.

On peut dire que ce terme souligne une capacité adaptative à "bouger les lignes", produire des règles, créer des normes spécifiques, particulières, pour continuer à fonctionner. C'est la particularisation ou la singularisation des normes permettant de maintenir le vivant. C'est se doter de ses propres normes, différentes des normes générales, pour maintenir une cohérence fonctionnelle dès lors que le contexte interne change ».

Florence ABRIOUX, sociologue, université d'Orléans

 

« Je dirais que "normativité" évoque une posture qui tend à réguler les rapports sociaux par des règles au croisement du droit, des règlements institutionnels et des normes sociales. Ces dernières sont plus ou moins intériorisées, ce qui renvoie à la notion d'incorporation des habitus, chère à P. Bourdieu. En ce sens la norme 
produit des effets de pouvoir. C'est donc un enjeu essentiel dans la mesure ou les luttes sociales et politiques ont pour objet 
l'imposition de normes : qui va imposer sa normativité propre à  l'ensemble de la société. Dans les sociétés hypermodernes, les normes  gestionnaires prennent de plus en plus d'importance du fait qu'elles  s'inscrivent dans des logiciels diffusés par les NTIC (nouvelles technologies d'information et de communication) Elles s'imposent de façon peu visible sous couvert de rationalisation des procédures. J'ai traité cette question dans La société malade de la gestion ».

Vincent de GAULEJAC, sociologue, université Paris-Diderot

 

« Ma définition risque d’être influencée par mes domaines de recherche, et notamment la sociologie des sciences et la sociologie des organisations. Dans un premier cas de figure, on peut dire que des experts imposent la normativité d’un "seuil" (de toxicité, de nuisance…), d’un "niveau" (de qualité…), d’un mode de calcul ou d’évaluation (les normes comptables, l’évaluation des performances…), concrétisés par des chiffres, des indices, des modalités d’écriture. La normativité de ce type résulte des compromis entre différentes dimensions du "réel" (pour la définition d’un risque "acceptable" dont la valeur retenue sera normative, l’on compte avec les dimensions économique, politique, sociologique, technologique, psychologique), des rapports de force entre différentes parties prenantes, ou encore entre différentes disciplines (sciences de l’ingénieur, SHS…). Dans un second cas de figure on peut parler de standards et de conduites-types adoptés par un groupe. Il s’agit alors plutôt de "valeurs" résultant d’interactions au sein de groupes dont les membres se comporteront en en reconnaissant la normativité sous peine d’être exclus ou marginalisés (les "normes tacites de groupe" par exemple). Il s’agit d’un compromis à partir des idéaux défendus par les différents membres d’un groupe qui, malgré leurs différences, veulent maintenir leur identité ou leur autonomie par rapport à un autre (ou à d’autres) groupe(s). Dans le premier cas on ne peut pas entrer dans le jeu sans accepter (ou se soumettre à) la normativité d’une valeur chiffrée, d’une forme d’écriture, ou de toute autre principe imposés et intériorisés : en cas de non-conformité il y a la sanction des pouvoirs publics ou d’autres instances de contrôle. Dans le second cas, les déviants sont exclus par les "pairs". Dans les deux cas, il s’agit toujours de "contrôle", que sa dynamique soit exogène ou endogène, sans oublier la possibilité de communication, de coordination et de coopération que permet la normativité. Dans la majorité des cas, ce contrôle n’est pas perçu comme tel car la normativité s’accompagne d’une intériorisation progressive des hypothèses de départ, des critères, principes et valeurs à partir desquels elle est construite. Par ailleurs la normativité s’amplifie dans l’intersubjectivité, chaque fois qu’elle est mise en scène. Mais il existe des cas et des situations où les individus ou les groupes refusent la normativité de certains comportements ou règles. Leur exclusion qui résulte de leur opposition est soit le fait du groupe des pairs, soit la conséquence d’un acte de résistance (la personne quitte son groupe d’appartenance, son organisation). En effet, ceux  dont les convictions, la vision du monde et les valeurs sont incompatibles avec le message explicite et implicite, réel et symbolique véhiculé par certains principes et règles de conduite (surtout s’ils ne résultent pas d’un partage du sens suite à des délibérations, des débats ou des négociations), peuvent s’opposer à leur caractère normatif. L’on pourrait peut-être s’amuser à faire une typologie de ces deux normativités, "la normativité comme condition d’entrée dans le jeu" (ex : les normes comptables, les normes ISO) et "la normativité comme motif de sortie du jeu" ».

Lusin BAGLA, sociologue, université d'Orléans

 

« Processus que fabrique le vivant en imposant aux existences des exigences pour les contraindre à s'adapter ou à créer. Le vivant produit ses propres normes pour corriger les imperfections du milieu et pallier ses défaillances comme ses prétentions. Le social produit les siennes pour répondre aux logiques de domination et de régulation en corrigeant les imperfections du vivant et répondre aux exigences du milieu naturel autant qu'humain. L'émancipation procède d'une transgression autant que d'un détournement de ces normes dont le caractère évident ou naturel n'est qu'un fait de propagande pour légitimer un ordre social. À l'horizon d'une normativité inerte faite de violence et de résignation se profile l'ombre portée de l'inanimé, celle du robot et de ses automatismes, voire de ses autorégulations. À l'horizon d'une normativité d'adaptation se profile celle de l'animal social, de ses interactions et de ses techniques. L'Humanité qui n'existe pas encore ou à peine comme disait Jaurès est le nom d'un irréductible à cette normativité qu'elle appelle de ses vœux et  qu'elle transcende sans cesse en proclamant le caractère essentiel de l'inutile ».

Roland GORI, psychanalyste, université d'Aix-Marseille

 

 

 

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